ISLAM SELON LE CORAN ET LA SUNNA

ISLAM SELON LE CORAN ET LA SUNNA

comprendre les versets demandant de tuer les polytheistes

Les versets demandant de tuer les polythéistes : couper des textes de leur contexte ?

Par Anas • 13 sept, 2008 • Catégorie: Z'- Paix et conflit en islam

Question d'un internaute :

J'aimerais savoir quelles seront vos explications à propos de ce verset du Coran : "Lorsque les mois sacrés seront terminés, tuez les polythéistes là où vous les trouvez ; capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade" (sourate 9, verset n° 5). Ne pensez-vous pas que le Coran prêche la violence... D'ailleurs Muhammad n'a jamais accepté que des polythéistes résident en terre d'Islam.

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Réponse :

Voilà bien le problème : on prend un passage du texte du Coran, on en considère la seule lettre sans référence aucune au contexte dans lequel ce texte a pris place, et on se fait ainsi sa petite idée sur la question. C'est comme si un citoyen d'un pays d'Asie prenait un passage d'un texte aussi essentiel pour la France que La Marseillaise, qu'il en extrayait ces phrases : "Aux armes, citoyens ! Formez vos bataillons ! Marchons ! Marchons ! Qu'un sang impur abreuve nos sillons", et qu'il en concluait : "La France pousse les Français à prendre les armes, et à marcher contre tous ceux dont ils jugeraient qu'ils ont du sang impur". Simplificateur ? Oui. Autant que le raisonnement mentionné dans la question. Chacun sait que ces phrases de la Marseillaise ont été écrites par Rouget Delisle en 1792 dans un contexte précis (la guerre entre la France révolutionnaire et l'Autriche royale et catholique), et que tous les petits Français qui les apprennent à l'école, tous les athlètes Français qui les chantent dans les stades n'en deviennent pas pour autant des gens belliqueux, sanguinaires et prêts à verser le sang des Autrichiens ou autres ! Pourquoi ne pas adopter la même méthode de contextualisation pour les versets évoqués ?

Contrairement à ce que de nombreuses personnes pensent, les Polythéistes (al-mushrikûn) peuvent tout à fait être résidents de la terre d'Islam, comme l'a écrit Ibn ul-Qayyim (lire mon article au sujet de la dhimma).

Comment explique-t-on alors que le Prophète (sur lui soit la paix) n'ait pas pris de jizya avec les polythéistes ?

Ibn ul-Qayyim répond : à l'époque où le verset de la jizya (Coran 9/29) est révélé [entre ramadan de l'an 8 de l'hégire et rajab de l'an 9], "il ne reste en Arabie plus de polythéiste" (Zâd ul-ma'âd, tome 3 p. 154, tome 5 p. 91) ; "la jizya n'a donc pas été prise d'eux parce qu'il n'y avait alors pas des gens relevant de ce cas, et non pas parce qu'elle ne pourrait pas être prise d'eux" (Zâd ul-ma'âd, tome 3 p. 154). Selon cette explication de Ibn ul-Qayyim, les polythéistes peuvent aussi être dhimmis ; mais si le Prophète (sur lui la paix) n'a concrètement pas pris de jizya avec des polythéistes, c'est parce que les polythéistes d'Arabie s'étaient déjà convertis à l'islam lors de la révélation du verset de la jizya.

Je ne suis qu'un étudiant en sciences musulmanes, et je suis très loin de ce grand savant. Néanmoins, l'explication qu'il a avancée ici n'a cessé de m'intriguer : si, comme il l'a écrit, lors de la révélation du verset de la jizya en l'an 8 ou 9 (Fat'h ul-bârî 6/311), tous les polythéistes d'Arabie s'étaient déjà convertis à l'islam, alors comment expliquer les versets du début de la sourate at-Tawba, révélés à la fin de l'an 9 et devant entrer en application au début de l'an 10, qui parlent d'un délai donné aux polythéistes ? et surtout pourquoi cette parole du Prophète, prononcée lors de sa dernière maladie en l'an 11 : "Faites quitter les polythéistes la Péninsule arabique" (rapporté par al-Bukhârî, n° 2888, Muslim, n° 1637) ? Je propose donc plutôt – et ce très humblement – l'explication suivante... Le Prophète avait bel et bien accepté que des Polythéistes soient résidents (dhimmis) de la Dâr ul-islâm en Arabie et même qu'ils s'acquittent de la jizya (ce qui implique que celle-ci avait déjà été instituée en shawwâl de l'an 9, date de révélation des premiers versets de la sourate at-Tawba). Burayda rapporte ainsi que le Prophète a dit : "(…) Lorsque tu rencontreras ton ennemi parmi les Polythéistes, invite-les à trois choses : quelle que soit celle à laquelle ils te répondent favorablement, accepte-la d'eux et retiens-toi d'eux :
– Invite-le à accepter l'islam ; s'ils te répondent favorablement, accepte (cela) d'eux et retiens-toi d'eux ; ensuite :
--- invite-les à quitter leur cité pour la cité des Emigrants (Dâr ul-muhâjirîn), et informe-les que s'ils font cela, ils auront les mêmes droits que les Emigrants et les mêmes devoirs que les Emigrants ;
--- s'ils refusent de quitter leur cité, informe-les qu'ils seront alors comme les bédouins musulmans : la règle de Dieu qui s'applique aux musulmans s'appliquera à eux, (mais) ils n'auront aucune part dans les biens du butin et du fa'y ; (car n'en bénéficient) que ceux qui (participent aux) batailles ;
– S'ils refusent (l'islam), demande-leur la jizya ; s'ils te répondent favorablement, accepte (cela) d'eux et retiens-toi d'eux ;
– S'ils refusent (de payer la jizya), demande l'aide de Dieu et combats-les. (…)"
(Muslim 1731, at-Tirmidhî 1617). La mention de la demande d'émigrer indique que cela se passait avant ramadan de l'an 8, date de la conquête de la Mecque, lors de laquelle le Prophète a dit qu'il n'y avait plus d'émigration (vers Médine) (al-Bukhârî et Muslim). Ceci implique que la jizya avait déjà été instituée en ramadan de l'an 8.
Cependant, ensuite ont été révélés les versets du début de sourate at-Tawba, qui stipulent que les Polythéistes ne pouvaient désormais plus vivre en Arabie (ou au Hedjaz) ; ailleurs qu'en Arabie les Polythéistes pouvaient être résidents de la Dâr ul-islâm, mais non plus dans la Péninsule arabique (ou au Hedjaz).

Voici le début de la sourate at-Tawba :
"Désaveu de la part de Dieu et de Son Messager à l'égard des Polythéistes avec qui vous aviez conclu des traités ; circulez donc sur (cette) terre [d'Arabie] pendant quatre mois. Et sachez que vous ne pourrez empêcher Dieu, et que Dieu va couvrir d'ignominie les Incroyants.
Et proclamation aux gens, de la part de Dieu et de Son Messager, le jour du grand pèlerinage, que Dieu et Son Messager désavouent les Polythéistes. (...)
Sauf ceux des Polythéistes avec qui vous aviez conclu un traité et qui n'ont manqué en rien à (respecter ce traité vis-à-vis de) vous et n'ont soutenu personne à vous (combattre) : complétez (le respect de) leur traité jusqu'à leur terme. [Respecter le traité relève de votre part de la piété ; or] Dieu aime ceux qui sont pieux.
Puis, quand les mois du délai se seront écoulés, tuez les Polythéistes [du premier groupe] là où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade"
(Coran 9/1-5).

Nous verrons, au fil du développement de cette explication, qui va suivre, quel est le sens de ces versets, auxquels vous avez brièvement fait allusion dans votre question…

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Note préliminaire :

L'ordre dans lequel les versets de la sourate at-Tawba ont été classés par le Prophète (sur lui la paix) pour former le texte tel que nous le connaissons est différent de l'ordre dans lequel ces versets lui ont été révélés.
D'après les recherches du grand savant indien Cheikh Ashraf Alî Thânwî (cf. Bayân ul-qur'ân), la révélation des versets du début de cette sourate s'est faite dans l'ordre suivant [ci-après, la numérotation des versets est celle qui se trouve dans les copies coraniques] :
– d'abord (bien avant le mois de ramadan de l'an 8) ont été révélés les versets n° 7 à 12, qui parlent de Quraysh et du fait de respecter le pacte conclu avec eux, tant qu'ils le respectent ;
– plus tard, suite au viol d'une des clauses du traité par les Quraysh, mais toujours avant le mois de ramadan de l'an 8, ont été révélés les versets 13 à 24, où le Prophète et les musulmans sont exhortés à aller combattre les Quraysh ;
– puis (après le mois de shawwâl de l'an 8) ont été révélés les versets évoquant la bataille de Hunayn (versets n° 25 à n° 27) ;
– plus tard (avant rajab de l'an 9) ont été révélés les versets incitant à se joindre à l'expédition de Tabûk (n° 29 à n° 35) ;
– et après le retour du Prophète de Tabûk (retour ayant eu lieu en ramadan de l'an 9) ont été révélés les versets où Dieu adresse des reproches à ceux qui n'ont pas participé à Tabûk ;
– et ce fut ensuite (en shawwâl 9) que les versets 1 à 6 de la sourate at-Tawba furent révélés, de même que le verset 27 ; il s'agit des versets qui font justement l'objet de la question présente.

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1) Ramadan de l'an 8 : victoire sur les Mecquois – Shawwâl de l'an 8 : batailles de Hunayn et de at-Tâ'if :

Au mois de ramadan de l'an 8 et suite à une violation, par les Quraysh polythéistes, d'une clause du traité de paix conclu en l'an 6 à al-Hudaybiya, le Prophète et ses Compagnons conquièrent la Mecque. Le Prophète rend la Kaaba à sa vocation originelle, celle pour laquelle Abraham et Ismaël l'avaient édifiée : être consacrée à Dieu l'Unique. Il débarrasse donc la cour de la Kaaba des dizaines et des dizaines d'idoles qui s'y trouvaient (rapporté par al-Bukhârî, n° 4036, Muslim, n° 1781) et il fait également enlever les idoles qui se trouvent à l'intérieur de la Maison de Dieu (rapporté par al-Bukhârî, n° 4038) (Zâd ul-ma'âd, tome 5 pp. 406-407).

Au mois de shawwâl de cette même année 8 ont lieu deux batailles, l'une à Hunayn, l'autre à at-Tâ'ïf contre des clans de la tribu arabe Hawâzin ; c'était, après Quraysh, la plus grande force polythéiste de la région, et, ayant appris la conquête de la Mecque, elle rassemble ses forces contre le monothéisme musulman ; ayant été informé de leur rassemblement, le Prophète envoie Abdullâh ibn Abî Had'rad aller enquêter sur place. Suite à la confirmation de la nouvelle, le Prophète marche lui aussi vers eux et c'est ainsi que les deux batailles sus-citées ont lieu (Zâd ul-ma'âd, tome 3 pp. 465-467). Ce sont les dernières forces que le polythéisme arabe aura jetées contre le monothéisme apporté par l'islam.

Les Arabes, bien que devenus polythéistes au fil des siècles, avaient gardé la mémoire du pèlerinage d'Abraham ; et chaque année ils venaient à la Mecque y accomplir le pèlerinage… un pèlerinage accompli nominalement en souvenir d'Abraham et pour honorer "la Maison de Dieu", même si factuellement il était davantage dédié aux idoles qu'à Dieu et même si les rites païens y avaient bonne place à côté des rites que les Arabes avaient hérités de la tradition abrahamique monothéiste. L'établissement de l'islam sur la Mecque a donc un retentissement considérable dans toute l'Arabie. 'Amr ibn Salama, contemporain de l'événement, explique : "… Les Arabes attendaient l'issue pour embrasser l'islam ; ils disaient : "Laissez-les, lui [Muhammad] et sa tribu [les Quraysh, de la Mecque] ; s'il est victorieux, il est un prophète véridique". Alors, lorsque eut lieu l'événement de la victoire de la Mecque, chaque tribu s'empressa d'embrasser l'islam. Mon père s'empressa de venir témoigner de l'adhésion de mon peuple à l'islam. Lorsqu'il revint, il dit : "Par Dieu, je reviens d'auprès de celui qui est vraiment le Messager de Dieu…" (rapporté par al-Bukhârî, n° 4051).

Des tribus commencent donc à envoyer des délégations auprès du Prophète, à Médine, pour témoigner de leur entrée en islam. En fait le "temps des délégations auprès du Prophète" dure deux années : les 9 et 10 de l'hégire ; il commence à la fin de l'an 8 – comme l'a dit 'Amr ibn Salama – et se termine au premier mois de l'an 11. Et on peut distinguer deux périodes dans la venue des délégations à Médine :
– la première période débute à la fin de l'an 8 et va jusqu'au mois de rajab de l'an 9 – lors du départ du Prophète pour Tabûk ;
– la seconde va du mois de ramadan de l'an 9 – quand le Prophète, de retour de Tabûk, rentre à Médine – jusqu'au début de l'an 11.
Et c'est peut-être parce que l'affluence des délégations va augmenter après le retour du Prophète de Tabûk en ramadan de l'an 9 (nous allons revenir sur ce fait plus bas, dans le point 6) qu'on insiste plus sur le laps de temps qui suit ramadan 9 – c'est-à-dire la seconde période – en tant que "temps des délégations" ("'âm ul-wufûd").

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2) Entre ramadan de l'an 8 et rajab de l'an 9 : les premières délégations auprès du Prophète :

Parmi les délégations venues à Médine durant la première période, on peut compter celle de Sudâ', du Yémen, qui vient à Médine en l'an 8 (Zâd ul-ma'âd, tome 3 pp. 664) ; il y a aussi celle de 'Udhra, en safar 9 (p. 657), celle de Balî, en rabî al-awwal 9 (p. 657) et celle de Banû Tamîm (p. 510).

Dans le même temps, le Prophète fait détruire des sanctuaires de l'idolâtrie en Arabie : après la conquête de la Mecque, Khâlid ibn ul-Walîd est ainsi envoyé détruire le sanctuaire de al-'Uzzâ, situé près de la Mecque et géré par les Mecquois (Al-Iqtidhâ, p. 289)…

Il serait cependant erroné de penser que tous les polythéistes d'Arabie se convertissent alors à l'islam.

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3) Tous les Polythéistes d'Arabie ne se convertissent néanmoins pas :

De la fin de l'an 8 jusqu'à rajab de l'an 9, voici comment semble se présenter la situation des polythéistes en Arabie :

3.A) Au niveau des cités :

A.1) Certaines cités qui avaient anciennement le polythéisme comme religion officielle sont devenues des cités musulmanes, et font désormais partie de la Dâr ul-islâm :
A.1.1) soit elles ont été conquises par les musulmans (comme la Mecque depuis ramadan de l'an huit) ;
A.1.2) soit elles ont envoyé une délégation auprès du Prophète, à Médine, pour lui annoncer leur conversion à l'islam.

A.2) D'un autre côté, il existe d'autres cités qui disposent toujours de leur souveraineté et ont toujours comme religion officielle le polythéisme ; cependant, après la victoire musulmane sur la Mecque en ramadan 8 et après la bataille de at-Tâ'ïf en shawwâl 8 – exception faite de l'espace contrôlé par les Ghassanides aux confins septentrionaux de l'Arabie (nous allons y revenir plus bas) –, aucune cité d'Arabie ne combat plus le Prophète et la Dâr ul-islâm ; plusieurs cas existent néanmoins :
- A.2.1) il est des cités qui, après avoir combattu le Prophète, ont désormais conclu un accord de paix avec la Dâr al-islâm ; elles constituent donc des Dâr ul-'ahd ;
- A.2.2) il en est d'autres qui avaient déjà conclu un accord de paix et y étaient restées fidèles ; elles constituent elles aussi des Dâr ul-'ahd :
--- A.2.2.1) soit leur pacte de paix était sans précision de durée ;
--- A.2.2.2) soit leur pacte de paix était à durée déterminée ; c'était le cas de Banû Dhamra et de Banû Mudlij, liés aux musulmans par un pacte à durée déterminée, pacte dont, en shawwâl de l'an 9, il restait encore 9 mois ;
- A.2.3) il en est d'autres encore qui, sans avoir conclu de traité de paix, avaient fait preuve de neutralité vis-à-vis de la Dâr al-islâm et qui ne changent pas de comportement ; elles constituent des Dâr ul-hiyâd, qui ont le même statut que la Dâr ul-'ahd.

(Voir Sunan un-Nassâ'ï, n° 2958, Fat'h ul-bârî, commentaire du Hadîth n° 4379, Bayân ul-qur'ân, commentaire du début de la sourate at-Tawba.)

3.B) Au niveau des individus :

A l'intérieur même de la Dâr ul-islâm vivent probablement des individus qui sont toujours polythéistes.

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4) Entre rajab de l'an 9 et ramadan de la même année : la campagne de Tabûk :

Après avoir reçu la révélation du verset qui sera classé ensuite sous le n° 29 de cette sourate n° 9, verset dit de la jizya, le Prophète se rend à Tabûk pour faire face aux arabes chrétiens alliés des Byzantins, dont il a appris qu'ils projetaient de venir le combattre (voir Zâd ul-ma'âd, tome 3 pp. 527-528). Omar raconte le contexte ayant précédé la compagne de Tabûk : "Les gens qui étaient dans la région alentour du Prophète s'étaient apaisés vis-à-vis du Prophète ("qad-istaqâma lahû") ; il ne restait qu'un roi, celui des Ghassanides en Syrie, dont nous craignions qu'il nous attaque" (rapporté par al-Bukhârî, n° 5505, voir aussi n° 4629 ; rapporté également par Muslim, etc.). Ce récit a bien pour cadre l'année 9 : c'est en effet en cette année 9 que se déroulent les causes qui vont amener une mésentente passagère entre le Prophète et ses épouses (Fat'h ul-bârî, tome 9 p. 354) ; or Omar raconte dans ce même récit que c'est pendant qu'ils craignaient une invasion du Ghassanide que la mésentente eut lieu (lire tout le récit susmentionné). C'est face à ce danger de la part des Ghassanides que le Prophète décide de prendre les devants : à la tête d'une armée, il se rend lui-même dans la région, aux confins de l'Arabie du Nord. C'est la campagne de Tabûk. Il n'y aura pas de combat mais la conclusion d'une série de traités avec différentes tribus et cités (Zâd ul-ma'âd, tome 3 p. 537). Le Prophète retourne à Médine où il parvient en ramadan de l'an 9 (Ibid., tome 3 p. 498).
Le fait que, ce verset ayant été révélé, c'est à des gens qui projetaient de venir combattre les musulmans que le Prophète l'a appliqué a conduit des ulémas à dire que ce verset n'est pas à appréhender de façon inconditionnelle selon sa seule lettre (mutlaq, zâhir), mais est au contraire à comprendre à la lumière du principe général (yuhmal ul-mutlaqu 'ala-muqayyad) : il s'agit de ceux qui agressent de fait ou qui sont sur le point de le faire (voir Al-ussus ash-shar'iyya lil-'alâqât bayn al-muslimîn wa ghayr il-muslimîn, Faysal al-Mawlawî, pp. 50-51, voir aussi Athâr ul-harb fi-l-fiqh il-islâmî, Wahba az-Zuhaylî, p. 118).

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5) En dhu-l-hijja de l'an 9 : un délai de 4 mois est donné aux polythéistes pour qu'ils quittent l'Arabie (ou le Hedjaz) :

Au mois de shawwâl de l'an 9 (Fat'h ul-bârî, commentaire du Hadîth n° 4379) a lieu la révélation des versets suscités : "Désaveu de la part de Dieu et de Son Messager à l'égard des Polythéistes avec qui vous aviez conclu des traités [verset 1] ; circulez donc sur (cette) terre [d'Arabie] pendant quatre mois. Et sachez que vous ne pourrez empêcher Dieu, et que Dieu va couvrir d'ignominie les Incroyants [verset 2].
Et proclamation aux gens, de la part de Dieu et de Son Messager, le jour du grand pèlerinage, que Dieu et Son Messager désavouent les Polythéistes. (...)  [verset 3].
Sauf ceux des Polythéistes avec qui vous aviez conclu un traité et qui n'ont manqué en rien à (respecter ce traité vis-à-vis de) vous et n'ont soutenu personne à vous (combattre) : complétez (le respect de) leur traité jusqu'à leur terme. [Respecter le traité relève de votre part de la piété ; or] Dieu aime ceux qui sont pieux  [verset 4].
Puis, quand les mois du délai se seront écoulés, tuez les Polythéistes [du premier groupe] là où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade (...)  [verset 5]"
(Coran 9/1-5).

Les versets 1 à 3 de la sourate at-Tawba viennent mettre fin aux pactes existant entre le Prophète et les polythéistes, car la région est maintenant dans une phase où le Polythéisme n'y a plus sa place, et ceux qui veulent demeurer Polythéistes ont un délai de 4 mois pour quitter l'Arabie, se convertir à l'islam ou s'exposer au combat.
Cette règle concerne les cités se trouvant dans le cas A.2.1, A.2.2.1 ou A.2.3 (voir plus haut, au point n° 3) : les pactes passés avec elles sont désormais caduques, et les individus habitant ces cités ont un délai de 4 mois pour choisir entre les trois options susmentionnées. la même règle vaut pour les individus polythéistes vivant à l'intérieur d'une cité musulmane : ils ont le même délai pour faire le même choix.

L'exception faite par le verset 4 concerne les cités qui remplissent une double condition :
- avoir établi un pacte à durée déterminée,
-  et n'avoir pas rompu ce pacte.
Il s'agit du cas de figure mentionné plus haut comme constituant le A.2.2.2 (voir au point n° 3). Le pacte conclu avec les cités de ce genre ne prend alors pas fin, mais on le laisse parvenir à son terme, après lequel il ne sera pas renouvelé pour les Polythéistes d'Arabie (ou du Hedjaz).

Le verset 27 annonce d'ailleurs que dorénavant, passé cette année 9, aucun polythéiste ne pourra plus venir au pèlerinage de la Mecque et ne pourra plus "s'approcher de la Kaaba", c'est-à-dire entrer dans le sanctuaire sacré – al-Haram – qui se trouve autour de la Kaaba.

Le verset n° 6 fait une exception supplémentaire : si un des polythéistes concerné par la période des quatre mois demande une sorte de délai supplémentaire avant de quitter la région, et ce afin de pouvoir réaliser ce dont le verset fait mention, ce délai devra lui être accordé.

Au mois de dhu-l-hijja de cette année 9, le Prophète envoie Abû Bakr diriger le pèlerinage à la Mecque et y faire annoncer ces mesures dictées par la révélation : l'interdiction immédiate pour tout polythéiste de faire le pèlerinage nu – comme c'était la coutume dans la période pré-islamique – ; l'impossibilité, à compter du prochain pèlerinage, pour n'importe quel polythéiste, de venir dorénavant faire le pèlerinage, même s'il habite ailleurs qu'en Arabie et qu'il n'y séjourne que temporairement ; le délai des quatre mois donné aux polythéistes pour choisir entre quitter l'Arabie, se convertir à l'islam ou s'exposer au combat. Cependant, se souvenant ensuite que la coutume chez les Arabes est que le désaveu d'un traité se fasse impérativement soit par la personne l'ayant conclu, soit par une personne de sa famille, le Prophète envoie Alî faire ces annonces. (Voir Sunan ut-Tirmidhî, n° 3090, avec commentaire de Tuhfat ul-ahwadhî, voir aussi Sunan un-Nassâ'ï, n° 2958, et Sahîh ul-Bukhârî, n° 4379 avec commentaire de Fat'h ul-bârî.)

Le délai des 4 mois commence, d'après Ibn Kathîr, à compter du moment de l'annonce, soit le 10 dhu-l-hijja de l'an 9, puisque Dieu Lui-même a dit : "Proclamation aux gens (...) le jour du grand pèlerinage..." (verset n° 3). Le délai des 4 mois prend donc fin le 10 rabî ul-âkhir de l'an 10 (Tafsîr Ibn Kathîr).

Ibn Kathîr écrit aussi que, dans ce verset, "al-ash'hur ul-hurum" ne désigne aucunement "les mois sacrés" mais "les mois du délai" ("ash'hur ut-tasyîr al-arba'a" : Tafsîr Ibn Kathîr). Le départ de ces polythéistes constitue une première étape à propos de la terre d'Arabie.

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6) Ici une question se pose : le verset, révélé en shawwâl de l'an 9 et applicable à partir de dhu-l-hijja du même an, dit de tuer les Polythéistes passé le délai de 4 mois ; pourtant, plus d'un an plus tard, en rabî' ul-awwal de l'an 11, le Prophète dira : "Faites quitter les polythéistes la Péninsule arabique" ; ceci prouve que des polythéistes demeurent toujours en Arabie quelques 11 mois après l'expiration du délai ! Comment expliquer cela

La réponse est qu'en fait le verset a dit : "Lorsque les mois d'interdiction [liée à la présence du délai] seront écoulés, tuez les polythéistes où que vous les trouviez, (...)". Mais ce hadîth "Faites quitter les polythéistes la Péninsule arabique" (rapporté par al-Bukhârî, n° 2888, Muslim, n° 1637) est venu montrer que l'objectif n'est pas de tuer les Polythéistes mais de faire en sorte qu'il n'y ait plus de polythéiste dans la Péninsule ; les Polythéistes peuvent donc ne pas se convertir à l'islam mais quitter la Péninsule ; c'est s'ils ne la quittent pas qu'ils seront combattus (Al-Ussus ush-shar'iyya, pp. 48-50). 
Par ailleurs, souligne al-Mawlawî, une lecture attentive du verset montre que ce dernier non plus ne disait pas vraiment qu'il faut absolument tuer les Polythéistes, puisqu'il évoque la possibilité qu'ils soient faits prisonniers : "Après que les mois d'interdiction seront expirés, tuez les Polythéistes où que vous les trouviez, capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade" (9/5). Voyez, dit al-Mawlawî : il est bien dit qu'ils peuvent être faits prisonniers ; or, des prisonniers peuvent être relâchés [comme le dit le verset 47/4] (op. cit., p. 48-50). 

Au début de l'an 11, lorsque le Prophète dit : "Faites sortir les Polythéistes de la Péninsule arabique", il voulait donc en fait dire : "Continuez à faire sortir les Polythéistes de la Péninsule arabique, comme cela a été commencé depuis rabî' ul-âkhir de l'an 10".

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7) Depuis la fin de l'an 9 jusqu'au début de l'an 11 : affluence des délégations à Médine ("'âm ul-wufûd") :

Après le retour du Prophète de Tabûk en ramadan de l'an 9, les délégations affluent davantage encore de toute l'Arabie auprès du Prophète (Zâd ul-ma'âd, tome 3 p. 602).

On compte comme délégations venues dans cette seconde période : celles de Thaqîf, ramadan 9 (Zâd ul-ma'âd, tome 3 p. 498), de Banû Fazâra, après le retour du Prophète de Tabûk (p. 653), de Abd ul-Qays, an 9 (pp. 605-607), de Ghâmid, an 10 (p. 671), de Muhârib, an 10 (p. 663), de Khawlân, cha'bân 10 (p. 662), de Banu-l-Hârith ibn Ka'b, rabî al-âkhir ou djumâda-l-ûlâ 10 (p. 621), celle de Ghassân, ramadan 10 (p. 669)…

Il y a aussi les délégations de ces autres tribus, dont je n'ai pas connaissance de la date de la venue à Médine : al-Ash'ariyyûn (p. 618), Kinda (p. 617), Tay' (p. 616), Muzayna (p. 622), Hamdân (p. 624), Banû Sa'd ibn Bakr (p. 647), Banû Tujîb (p. 650), Banû Sa'd Hudhaym (p. 652), Banû Assad (p. 654), Bahrâ' (p. 655), Murra (p. 661), Salâmân (p. 669-670), Banû 'Abs (p. 670), Al-Azd (p. 672), Banu-l-Muntafiq (p. 673)…

La dernière délégation à se rendre auprès du Prophète est celle de an-Nakh', du Yémen, qui arrive à Médine au mois de muharram de l'an 11 (Zâd ul-ma'âd, tome 3 pp. 686-687).

Dans le même temps, d'autres sanctuaires d'idoles en Arabie sont détruits sur ordre du Prophète. Ainsi le sanctuaire de al-Lât, appartenant aux gens de Tâ'ïf, est-il détruit par al-Mughîra ibn Shu'ba en l'an 9, après la venue de la délégation des gens de at-Tâ'if venue témoigner de son entrée en islam à Médine (Zâd ul-ma'âd, tome 3 pp. 499-500)…

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8) En l'an 11, lors de la dernière maladie du Prophète :

Lors de sa dernière maladie, le Prophète demande qu'après lui, on fasse quitter les polythéistes "la Péninsule Arabique" (est-ce que ces deux mots désignent ici toute la Péninsule, nous allons le voir plus bas). Il dit : "Faites quitter les polythéistes la Péninsule arabique" (rapporté par al-Bukhârî, n° 2888, Muslim, n° 1637). Il s'agit donc, nous l'avons vu plus haut, de continuer à faire quitter les polythéistes la région.
Le Prophète dit alors aussi : "Je ferai quitter les juifs et les chrétiens la Péninsule arabique" (rapporté par Muslim, n° 1767, et d'autres) (dans une autre version : "Faites quitter les juifs du Hedjaz et les chrétiens de Nadjran la Péninsule arabique" : rapporté par Ahmad, n° 1599, etc.).
Aïcha relate que lors de sa dernière maladie le Prophète dit : "Il ne sera pas laissé deux religions coexister dans la Péninsule arabique" (rapporté par Ahmad, n° 25148 ; voir également Mu'attâ Mâlik, hadîths n° 1650 et 1651).

C'est l'ultime étape voulue par le Prophète – et que Omar ibn ul-Khattâb réalisera lors de son califat (aujourd'hui, il faut que le contexte soit de nouveau le même que celui dans lequel se trouvait la terre musulmane à l'époque de Omar pour appliquer cette règle : cliquez ici et ici pour en savoir plus ; de plus, même alors, c'est, parallèlement à l'exemple de Omar, aux autorités publiques de prendre la décision, et non aux simples individus).

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9) Le délai donné aux Polythéistes ainsi que la volonté de les faire sortir de l'Arabie sont-ils applicables à tous les Polythéistes, qui devraient partout quitter la Dâr ul-islâm, fût-ce ailleurs qu'en Arabie ?

Non, ces règles ne sont pas applicables à tous les polythéistes : nous l'avons déjà vu plus haut, les polythéistes peuvent être dhimmis, citoyens d'un pays majoritairement musulman. Voici deux avis sur le sujet...

L'avis de Abû Hanîfa est que si les polythéistes peuvent être dhimmis, le cas des polythéistes Arabes fait exception : eux ne peuvent pas l'être. Son avis est donc que les non-musulmans qui sont non-arabes peuvent vivre en terre musulmane, qu'ils soient juifs, chrétiens, sabéens ou polythéistes ; cependant, parmi les non-musulmans qui sont arabes, seuls peuvent vivre en terre d'Islam sont ceux qui sont juifs, chrétiens ou sabéens ; les Arabes qui sont polythéistes ne peuvent, eux, que se convertir à l'islam, sinon ils sont exécutés (Al-Hidâya 1/547, 575). Un point demeure dont je ne suis pas parvenu à trouver la réponse : quels Arabes sont-ils concernés par cet avis hanafite :
les Arabes qui vivent dans la Péninsule arabique,
– ou bien les Arabes qui vivent dans n'importe quelle Dâr ul-islam, fût-elle autre que la péninsule arabique ?

L'avis de Mâlik est que les polythéistes Arabes peuvent eux aussi vivre en terre d'Islam (Ahkâm ul-qur'ân, Ibn ul-Arabî, 1/156). Selon son avis, le délai ne concernait que la terre d'Arabie et il était demandé aux polythéistes Arabes de quitter celle-ci ; cependant, ces polythéistes pourraient s'installer dans une autre partie de la terre d'Islam que l'Arabie (Al-ussus ush-shar'iyya, Faysal al-Mawlawî, p. 51).

Ailleurs que dans la région mentionnée dans ces Hadîths du Prophète, les polythéistes peuvent donc tout à fait être résidents de la Dâr ul-islâm, et ils y ont la liberté de conscience et de pratique, du moment bien sûr qu'ils y respectent l'ordre public islamique. Cheikh Ayyûb Sûrtî m'a confirmé que c'est bien la règle au sein de l'école hanafite, et que cette règle a globalement été respectée dans l'Inde musulmane des empereurs Moghols ; parfois, m'a-t-il dit, on a même dépassé les règles et l'Etat musulman est alors allé jusqu'à financer la construction de temples hindous (alors que la règle est que l'Etat musulman doit leur donner la liberté sociale de vivre le culte qu'ils ont choisi de garder, mais sans financer ce culte : lâ yajûz at-ta'âwun 'ala-sh-shirk).

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10) De quelle région est-il question dans ces Hadîths du Prophète : de la péninsule arabique tout entière ou bien seulement du Hedjaz ?

Il y a divergence d'avis sur le sujet...

L'école hanafite pense qu'il s'agit de la péninsule arabique tout entière.

L'école shâfi'ite pense que la règle mentionnée dans ces Hadîths concerne la terre du Hedjaz uniquement et non la terre de la Péninsule arabique tout entière (Fat'h ul-bârî, commentaire du Hadîth n° 2888, Shar'h Muslim, commentaire du Hadîth n° 1637). Selon cette école, le Prophète aurait eu recours dans ces Hadîths au procédé de métonymie, avec "la mention du tout pour désigner seulement une partie" (majâz mursal, ma'a iradatil-juz' bi lafz il-kull). An-Nawawî relate que selon ash-Shâfi'î, le Hedjaz comporte : la Mecque, Médine, le Yamâma et leurs alentours, mais pas le Yémen. An-Nawawî relate que l'avis le plus correct rapporté de Mâlik à ce sujet est que les Hadîths sus-cités concernent la Mecque, Médine, le Yamâma et le Yémen (Shar'h Muslim, commentaire du Hadîth n° 1637). Parmi les arguments sur lesquels cet avis se fonde, il y a le fait suivant : "Omar a fait sortir les Juifs et les Chrétiens de la terre du Hedjaz (…). Le Prophète avait dit [aux Juifs de Khaybar] : "Nous vous garderons ici pendant le temps que nous voudrons". Ils restèrent donc là jusqu'à ce que Omar les fasse sortir à Teima et à Jéricho" (rapporté par al-Bukhârî, n° 2213, Muslim, n° 1551 : voir le commentaire de an-Nawawî). Voyez, disent les shafi'ites : il y est explicitement question de "la terre du Hedjaz". Et puis Omar les a fait s'installer à Teima : "Ceci est la preuve que le Prophète, en disant "la Péninsule arabique", voulait dire "une partie de la Péninsule arabique", à savoir le Hedjaz seulement, car Teima fait partie de la Péninsule arabique mais non pas du Hedjaz" (an-Nawawî, cité dans Mirqât ul-mafâtîh, tome 8 p. 98). Enfin, Omar n'a pas fait sortir les Zoroastriens de Hajar, ville pourtant située sur la côte orientale de la Péninsule arabique : or le Prophète avait accepté les Zoroastriens de Hajar comme dhimmis, et ils s'acquittaient de la jizya (Abd ur-Rahmân ibn 'Awf l'a relaté à Omar ibn ul-Khattâb : rapporté par al-Bukhârî, n° 2987) (Hajar correspond aujourd'hui à Hufuf : cf. Le Prophète de l'islam, sa vie, son œuvre, Hamidullah, tome 1). Si c'était toute la Péninsule arabique dont le Prophète voulait parler, Omar aurait dit à ces Zoroastriens de quitter Hajar, comme il a dit aux Juifs de quitter Khaybar, et aux Chrétiens de quitter Najran...  

Tels sont les arguments de l'école shafi'ite. Pour cette école, deux portions de la terre d'Islam (Dâr ul-islâm) font donc l'objet de règles particulières par rapport aux non-musulmans :
– il y a le territoire du Haram, qui est inaccessible aux non-musulmans, lesquels ne peuvent ni s'y installer, ni y séjourner temporairement, ni même y passer (Fiqh us-sunna, tome 3 pp. 411-413 ; Shar'h Muslim, commentaire du Hadîth n° 1637) ; Ibn Hajar relate que la seule exception quant à l'entrée temporaire de non-musulmans sur le territoire du Haram se fait, d'après ash-Shâfi'î, dans le cas d'une autorisation exceptionnelle des autorités, en cas de réel besoin des musulmans (Fat'h ul-bârî, commentaire du Hadîth n° 2888) ;
– et puis il y a le Hedjaz, où les non-musulmans ne peuvent pas s'installer durablement, mais qu'ils peuvent parcourir et où ils peuvent séjourner temporairement.

Pourquoi ces mesures concernant le Hedjaz – d'après l'école shafi'ite –, la Péninsule arabique – d'après d'autres écoles ?

Shâh Waliyyullâh y voit plusieurs raisons ; en voici deux :
– une première raison est que les deux lieux de la Mecque et de Médine ainsi que leurs alentours immédiats ont un caractère particulier ; le Prophète a donc voulu que n'y aient lieu (même dans les foyers) que les rites musulmans uniquement ;
– une seconde raison est que cette région a toujours constitué, constitue encore et constituera toujours le cœur de la terre musulmane ; or le Prophète, ayant expérimenté la réalité de nombreux conflits, ayant été assiégé à Médine, a voulu éviter au maximum tout risque de prise en tenailles de ce cœur, de l'extérieur comme de l'intérieur (Hujjat ulllâh il-bâligha, tome 2 pp. 479-480).

Des personnes pourraient voir dans cette mesure "un manque de libertés pour des non-musulmans pourtant résidents – aujourd'hui on dirait : "citoyens" – de l'Etat musulman". Ce serait oublier que même en pays laïques tous les citoyens ne peuvent pas s'installer ni passer partout où ils le veulent. Ainsi un citoyen qui ne fait pas partie de certains cercles de l'armée ou de certaines institutions administratives ne peut ni se rendre dans certains lieux de son pays, ni les survoler, ni en prendre des photographies même de loin ; cette mesure est aussi voulue pour limiter les risques de trahison et d'espionnage, sans qu'il y ait un manque de confiance. A coté des différences existant entre le détail de cette règle valable dans tous les pays occidentaux et le détail de la règle établie par le Prophète à propos de la Péninsule arabique (ou du Hedjaz), il y a donc, dans le principe, une similitude qu'on ne peut pas nier : les objectifs de cette règle des pays occidentaux ne sont pas totalement différents de la seconde raison évoquée par Shâh Waliyyullâh pour expliquer la règle édictée par le Prophète.

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11) C'est à la lumière de ce contexte que se comprend la célèbre parole du Prophète (sur lui soit la paix) : "Il m'a été ordonné de combattre les hommes jusqu'à ce qu'ils témoignent qu'il n'est de divinité que Dieu et (...)" :

Le Prophète a dit : "Il m'a été ordonné de combattre les hommes jusqu'à ce qu'ils témoignent qu'il n'est de divinité que Dieu et qu'ils croient en moi et en ce que j'ai apporté" (Muslim 21 ; d'autres versions de ce propos existent qui sont rapportées par al-Bukhârî et Muslim). Cependant, dans ce hadîth, "les hommes" désigne seulement "les polythéistes", comme spécifié dans le hadîth rapporté par an-Nassâ'ï (3966), et comme le principe évoqué plus haut le prouve ; al-Khattâbî l'a d'ailleurs explicitement écrit (cf. Shar'h Muslim, 1/206). De plus, que ces polythéistes soient combattus jusqu'à ce qu'ils acceptent l'islam, cela est spécifique à la Péninsule arabique (ou au Hedjaz), comme nous l'avons vu ci-dessus ; ailleurs les polythéistes ont le droit de choisir de devenir résidents de la Dâr ul-islâm, ou dhimmis. Et même les polythéistes de la Péninsule arabique ont une autre possibilité que celle de se convertir à l'islam : quitter la Péninsule et s'installer ailleurs, comme le prouve le hadîth déjà cité : "Faites quitter les polythéistes la Péninsule arabique" (rapporté par al-Bukhârî, 2888, Muslim, 1637).

Bien que de formulation apparemment générale, ce hadîth "Il m'a été ordonné de combattre les hommes jusqu'à ce qu'ils témoignent qu'il n'est de divinité que Dieu et qu'ils croient en moi et en ce que j'ai apporté" a donc une portée restreinte.

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Conclusion :

Le Prophète avait accepté que des Polythéistes soient résidents (dhimmis) de l'Arabie. Cependant, par la suite il fut demandé à ceux-ci de quitter la Péninsule arabique – ou, d'après l'école shafi'ite, le Hedjaz seulement. Cette mesure est cependant propre à cette région et ne s'applique pas aux autres régions de la terre d'Islam, où les polythéistes peuvent tout à fait vivre (Al-ussus ash-shar'iyya li-l-'alâqât bayn al-muslimîna wa ghayr il-muslimîn, p. 50). C'est bien ce qui explique que dans l'Inde musulmane, durant des siècles des hindous ont vécu.

Le passage qui a été cité dans la question ("Lorsque les mois du délai seront terminés, tuez les polythéistes là où vous les trouvez") se rapporte donc au cas précis que nous venons de voir : d'une part il s'agissait d'une mesure spécifique à l'Arabie – ou au Hedjaz – ; d'autre part l'objectif n'était pas d'exterminer les polythéistes y vivant, mais de les en faire sortir s'ils voulaient ne pas se convertir à l'islam.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).



16/12/2011
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