ISLAM SELON LE CORAN ET LA SUNNA

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Que signifie "avoir le dîn kâmil" ("le dîn complet") ?

Question :

J'ai entendu un discours d'un frère , dans lequel il était dit qu'il faut nécessairement pratiquer toute bonne action qui figure dans les hadîths, sinon on n'a pas "le dîn kâmil", "le dîn complet". Si donc je pratique tout ce qui est obligatoire et m'abstiens de tout ce qui est interdit, mais ne pratique pas une ou quelques actions qui sont simplement recommandées, mon dîn sera qualifié d'incomplet ?
Si on doit tout pratiquer pareil, pourquoi y a-t-il alors une distinction entre ce qui est obligatoire et ce qui est seulement recommandé, sous peine d'avoir un dîn incomplet ? 
Qu'est-ce donc réellement que "avoir le dîn kâmil" qu'on entend si souvent dans les discours du Tablîgh ?

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Réponse :

Nous allons aborder ce sujet en plusieurs points (la réponse concrète à votre première question est : "Non", elle figure dans le point 3, ci-après)...

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1) Racine du dîn (asl ud-dîn) et complétion du dîn (kamâl ud-dîn) :

Le terme "dîn" désigne ici le fait d'adhérer à la voie agréée par Dieu et de pratiquer tout ce que Dieu agrée (soit les sens A et B de ce terme, tels que définis dans

Dans le rapport d'une personne donnée au dîn – c'est-à-dire dans le fait pour elle de faire ce que le dîn enseigne, aussi bien en termes de croyances, de qualités que d'actions visibles –, il existe deux niveaux :
asl ud-dîn (la racine du dîn) : ce qui est requis pour qu'on ait en soi le "minimum de dîn" et qu'on ne soit donc pas dans le kufr akbar et qu'on n'ait pas non plus en soi fût-ce une seule branche de kufr akbar ;
kamâl ud-dîn (la complétion du dîn) : les croyances et qualités à adopter, ainsi que les actions à accomplir, pour "avoir" le reste du dîn ; c'est à cela que correspond l'expression que vous reprendrez : "avoir le dîn kâmil" (le dîn complet).

Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Deux loups affamés lâchés dans (un troupeau) d'animaux (ovins et caprins) n'y feront pas autant de ravages que l'amour de l'homme pour le bien matériel et pour la gloire en font sur son dîn" (rapporté par at-Tirmidhî, n° 2376). On voit bien, dans ce propos, l'emploi du terme "dîn" ; il y est dit que l'amour que l'homme a pour les biens matériels ou pour la gloire peut, si prenant de trop grandes proportions, le conduire à des manquements dans son dîn : soit qu'il en vient à négliger des actions obligatoires, soit qu'il en vient à faire des choses interdites ; et soit cela va jusqu'à le priver du asl ud-dîn (qui est aussi chose obligatoire, et qu'il peut délaisser pour ne pas perdre certains intérêts matériels qu'il a, ou par crainte d'une déconsidération sociale), soit cela le prive du kamâl ud-dîn (parce que l'attrait pour les biens matériels l'amène à manquer des prières obligatoires, par exemple, ou parce que l'amour pour la gloire le conduit à faire des actions interdites pour éléminer ceux qui le gênent).

(Par rapport à ce kamâl ud-dîn que nous évoquons ici, seules bien sûr sont à considérer les actions dont les conditions d'applicabilité sont réunies. N'entrent donc pas en considération les actions qui sont bien mentionnées dans les textes mais dont l'applicabilité est liée à la réalisation d'une ou d'un certain nombre de choses (asbâb, shurût, 'illa), quand on se trouve dans une situation où l'absence de ces choses fait que ces actions sont justement inapplicables, pour avoir des exemples).)

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2) Un verset coranique qui traite de la racine, de la ramure et des fruits :

Le dîn d'une personne est comporable à un arbre : il y a la racine, et il y a le reste.
La racine de l'arbre comporte une partie essentielle, une partie importante et, enfin, des ramifications.
Le reste de l'arbre est constitué pour sa part du tronc, des branches les plus importantes et puis des branches ramifiées, sans oublier les feuilles et les fruits.

Dieu, dans le Coran, a justement dit : "N'as-tu pas vu comment Dieu a cité en parabole une parole bonne, pareille à un arbre bon, dont la racine est ferme et la ramure (s'élève) dans le ciel, et qui, avec la permission de son Seigneur, donne à tout instant ses fruits ? Et Dieu cite (ainsi) des paraboles pour les hommes, afin qu'ils se rappellent" (Coran 14/24-25).

– La partie essentielle de la racine de cet arbre est constituée des croyances fondamentales [ceci correspond au asl ud-dîn que nous venions d'évoquer au point précédent].
– La ramure représente les actions extérieures du dîn [donc une partie du  kamâl ud-dîn], qui sont élevées au ciel.
– Quant aux fruits, ils sont les récompenses et les bénédictions que Dieu accorde à la personne par rapport à cette racine et à ces branches (Tafsîr ul-Jalâlayn, Bayân ul-qur'ân).

D'un côté, sans racine, l'arbre n'existe pas du tout (dîn ma'dûm). Ainsi en est-il du fait de ne pas avoir du tout les croyances fondamentales , ce dernier article montre qu'il est des actions extérieures qui sont la preuve qu'on n'a pas ces croyances fondamentales, et qui sont donc "des actes de kufr akbar"). Un tel manquement constitue du "kufr akbar", également désigné par le terme "kufr" utilisé de façon inconditionnelle (mutlaqan).

D'un autre côté, si l'arbre reste limité à une racine et ne connaît pas de ramure (soit il n'a même pas de tronc, soit il en a un mais n'a pas de branches, soit il n'a pas de feuilles, soit il ne donne pas de fruits), il est gravement incomplet (dîn nâqis). Ainsi en est-il de négliger des actions qui sont obligatoires ou de commettre des actions qui sont interdites . Un tel manquement constitue du "fisq asghar", également appelé : "kufr asghar".

De même, il y a la personne chez qui il existe la partie essentielle de la racine est présente, mais pas la partie importante de cette racine. Ceci revient au fait d'avoir asl ud-dîn, mais d'avoir aussi certaines croyances qui sont déviantes – dhalâl ghayr kufr – par rapport à ce que Dieu agrée : ce dîn est lui aussi gravement incomplet : dîn nâqis. Ce manquement dans la partie importante de la racine constitue lui aussi du kufr asgharfisq asghar / dhalâl /kabîra par rapport aux croyances.

Quant à la personne mu'min qui a des erreurs de croyances de niveau ijtihâdî seulement, chez elle ce sont des ramifications de la racine qui sont en mauvais état.

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3) Or ce qu'il ne faut pas oublier c'est qu'il existe en fait deux niveaux de kamâl ud-dîn (tant par rapport aux actions extérieures que par rapport aux croyances) :

La complétion du dîn (kamâl ud-dîn) se subdivise en effet en :
– kamâl ud-dîn al-wâjib : la complétion du dîn qui est obligatoire ("wâjib" ayant été employé ici dans son sens premier de "obligatoire", et non par distinction avec "fardh");
– kamâl ud-dîn al-mustahabb : la complétion du dîn qui est seulement recommandée (même remarque que précédemment).

Ibn Taymiyya écrit ainsi : "Les gens de la Sunna et de la Jamâ'a disent : Toutes les bonnes actions, celles qui sont obligatoires et celles qui sont recommandées, font partie de la foi : c'est-à-dire "de la foi qui est complète par les actions recommandées" ; pas [systématiquement] "de la foi obligatoire" : on fera la distinction entre "la foi obligatoire" et "la foi qui est complète par les actions recommandées. (…) Le terme "kamâl" désigne tantôt "al-kamâl al-wâjib", et tantôt "al-kamâl al-mustahabb"" (MF 7/197-198 ; Kitâb ul-îmân al-kabîr, p. 173).

Evoquant le fait que toutes les bonnes actions sont des branches de la foi, Ibn Taymiyya écrit également : "Si quand ces (bonnes actions) ne sont pas (accomplies) il a été nié [dans un verset du Coran ou dans un hadîth] (que la personne a) la foi, cela indique que ces (bonnes actions) sont obligatoires. Et si la valeur de la foi de la personne qui fait ces (bonnes actions) a été mentionnée (mais) qu'il n'a pas été nié que cette (personne) a la foi, cela indique que ces (bonnes actions) sont recommandées" (MF 7/6-7 ; Kitâb ul-îmân al-kabîr, p. 15). 

Or, par ailleurs, Ibn Taymiyya a aussi écrit ceci : "Les amis de Dieu sont de deux niveaux (tabqa) : sâbiqûn muqarrabun, et as'hâbu yamin muqtassidûn ; Dieu les a évoqués en plusieurs endroits de Son Livre honoré (…)" (MF 11/176). Un peu plus loin il écrit : "Les ab'râr as'hâb ul-yamîn sont ceux qui se rapprochent de Lui par ce qui est obligatoire : ils font ce que Dieu a rendu obligatoire sur eux et délaissent ce qu'Il leur a interdit, et ne se chargent pas d'effectuer les choses recommandées (mandûbât), ni ne se retiennent de ce qui, parmi les choses mubâh, sont superflues (fudhûl). Quant aux sâbiqûn muqarrabûn, ils se sont rapprochés de Lui par les nawâfil après les farâ'ïdh : ils ont fait les actions obligatoires ainsi que celles qui sont recommandées (mustahabbât), et ils ont délaissé les choses interdites ainsi que les choses déconseillées (mak'rûhât [tanzîhiyya]" (MF 11/179-180).

Les actions dont parle Ibn Taymiyya sont bien sûr les actions visibles, mais aussi les actions du cœur autres que les seules croyances : Ibn Taymiyya écrit ainsi : "Ces gens ont fait une erreur dans deux principes. Le premier est qu'ils ont pensé que la foi est seulement pure croyance (tasdîq) et connaissance, avec laquelle il n'y a pas 'amal, hâl, haraka, irâda, mahabba et khash'ya dans le cœur. [Alors que] les actions du cœur, que certains soufis nomment "ahwâl", "maqâmât", "manâzil us-sâ'ïrîna il-Allâh, "maqâmât ul-'ârifîn" ou chose semblable, tout cela, parmi elles il en est qui font partie de ce que Dieu et Son Messager ont rendu obligatoires : elles font donc partie de la foi obligatoire ; et il en est qui font partie de ce qu'Il aime sans l'avoir rendu obligatoire : elles font donc partie de la foi recommandée. Les premières, chaque croyant en a besoin ; et qui se contente de cela fait partie des ab'râr as'hâb ul-yamîn. Les secondes sont pour les muqarrabûn sâbiqûn" (MF 7/189 ; Kitâb ul-îmân al-kabîr, p. 167). "Parmi les erreurs des Murji'ites : le fait qu'ils ont pensé que ce qui se trouve dans le cœur comme foi, cela n'est que croyance seulement, et non actions du cœur" (MF 7/203 ; Kitâb ul-îmân al-kabîr, p. 178).

Dès lors...

– Celui qui possède la racine de la foi (asl ul-îmân) mais qui, au niveau de sa pratique, a des manquements par délaissement de certaines actions obligatoires ou par commission d'actions interdites, on ne peut pas dire de lui, comme le font certains coreligionnaires : "Il n'a pas le dîn !" / "Dans telle famille il n'y a pas le dîn !". Le fait est que, comme Ibn Taymiyya l'a écrit, la posture de l'orthodoxie sunnite à propos du croyant qui fait des péchés est qu'elle "ne retire pas de façon inconditionnelle le nom [îmân], et ne l'attribue pas (non plus) de façon inconditionnelle ; (mais) nous disons : "Il est mu'min à la foi incomplète" ou "mu'min faisant des péchés" ou "mu'min par sa îmân, fâssiq par sa kabîra"" (Majmû' ul-fatâwâ 7/673). On ne devrait donc pas lancer des : "Il n'a pas le dîn !", mais plutôt constater : "Il n'a pas le dîn kâmil !" Nuance.

– Quant à celui qui possède la racine de la foi (asl ul-îmân) et qui, au niveau de sa pratique, a les actions qui sont obligatoires sur lui et s'abstient de ce qui est interdit pour lui, mais ne pratique pas une ou des actions qui sont de niveau recommandé (mustahabb) seulement, ou fait une ou des actions qui sont de niveau "légèrement déconseillé' (mak'rûh tanzîhî) seulement, celui-là on ne peut même pas dire de lui : "Il n'a pas le dîn kâmil", de façon inconditionnelle (mutlaqan). Le fait est qu'un tel personnage a aussi le dîn kâmil ; mais il s'agit du dîn kâmil al-wâjib. Si on dit chose de ce genre à son sujet, on doit donc seulement dire : "Il n'a pas le dîn kâmil bi kamâlihi-l-mustahabb".

Or c'est ici qu'il y a un flou que certains frères entretiennent – sans doute sans s'en rendre compte – : invitant à pratiquer chaque action prescrite par le Coran ou la Sunna, ils laissent entendre que si quelqu'un délaisse volontairement – en pratique – ne serait-ce qu'une de ces actions, il n'a absolument pas le dîn kâmil.

Le problème provient, on le voit, de l'absence de capacité de distinction entre kamâl wâjib et kamâl mustahabb.

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4) Par contre, voici des choses qui ne consistent absolument pas à "avoir le dîn kâmil", de façon inconditionnelle (mutlaqan), et qui présentent donc des manquements par rapport au dîn kâmil wâjib :

– Ce n'est certainement pas "avoir le dîn kâmil" que d'accorder, dans sa pratique, plus d'importance à certaines actions relevant du kamâl mustahabb qu'à certaines autres relevant pourtant du kamâl wâjib. Or c'est malheureusement ce qui se passe trop souvent : on voit trop de personnes qui veillent scrupuleusement à pratiquer certaines actions qui sont mustahabb, telles que s'asseoir avant de boire – ce qui est bien en soi –, mais qui se sont focalisées dessus au point de complètement délaisser d'autres actions qui sont obligatoires sur elles, comme préserver autrui du mal de leur langue ou de leurs mains : ces personnes veillent consciencieusement à s'assoir avant de boire, mais si tu leur fais ne serait-ce que de l'ombre, elles n'hésiteront pas à faire tout leur possible pour faire disparaître de leur chemin ce qui gêne leur avancée . Pourtant, si c'est bien le Prophète qui a dit de s'assoir pour boire (mais il fait aussi fait le contraire, pour prouver que ce n'était que recommandé), c'est aussi lui qui a dit : "Le musulman (complet) est celui dont les musulmans restent à l'abri de sa langue et de sa main" / "Le croyant (complet) est celui dont les hommes sont en sécurité par rapport à lui quant à leur vie et leurs biens"

– Ce n'est certainement pas non plus "avoir le dîn kâmil" que de réduire le kamâl ud-dîn al-wâjib à la pratique des actions qui – certes obligatoires – sautent aux yeux – telles que le port de la barbe –, et de délaisser d'autres actions également obligatoires mais moins visibles, telles que l'honnêteté dans ses transactions, la purification du cœur de la haine pour la personne qui ne nous a rien fait d'un point de vue strictement shar'î (pas d'un point de vue personnel, car chacun trouve toujours toutes sortes de justifications farfelues pour rationaliser la haine qu'il a pour quelqu'un d'autre et qui n'est en fait motivée que par des intérêts personnels).

– Ce n'est pas non plus "avoir le dîn kâmil" que de respecter, par rapport à une action donnée, certaines des règles obligatoires la concernant et pas d'autres règles tout aussi obligatoires et la concernant également mais qui sont "moins visibles" :
– il y a des cas où ces premières et ces secondes règles sont toutes tafsîlî  ;
– et il y a d'autres cas où ces premières règles sont tafsîlî et les secondes sont kullî

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

dar-el-islam :anas ahmad lala



25/11/2011
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